Paul Kagame accuse un ancien employé de l’ONU réfugié en France d’être à l’origine de l’assassinat de sa « sœur »

Emmanuel Macron et Paul Kagame


Le Rwandais Callixte Mbarushimana, informaticien du Programme des Nations unies pour le développement en 1994, aurait « livré aux tueurs ses collègues tutsi ». Il est poursuivi en France depuis 2008.

Un homme réfugié en France depuis 2002, ciblé par la justice internationale sans jamais avoir été condamné, a été accusé par Paul Kagame, dimanche 7 avril à Kigali, d’avoir « livré aux tueurs » la cousine de celui-ci. « Il a ensuite poursuivi sa carrière aux Nations unies pendant de nombreuses années, même après l’apparition de preuves l’impliquant, a confié le président rwandais lors de ce discours prononcé dans le cadre des commémorations en hommage aux victimes du génocide des Tutsi, trente ans après. Il est toujours un homme libre, vivant désormais en France. »

L’homme ainsi implicitement désigné par le président rwandais s’appelle Callixte Mbarushimana. Il était responsable informatique du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Rwanda pendant le génocide. Au printemps 1994, il travaillait avec Florence Ngirumpatse, celle que le président rwandais considère « comme sa sœur ».

Agé de 59 ans, Callixte Mbarushimana a un long parcours judiciaire derrière lui. Après avoir été inquiété par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et la Cour pénale internationale (CPI), il est aujourd’hui poursuivi en France pour son rôle dans le génocide à la suite d’une plainte déposée en 2008 par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda. « Il fait partie de la centaine de présumés génocidaires réfugiés actuellement sur notre territoire », assure Alain Gauthier, président de cette ONG.

Dans un discours au cours duquel il a fustigé le rôle de la communauté internationale « qui nous a tous laissé tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté », Paul Kagame a expliqué que dès le début des tueries, Florence Ngirumpatse s’était retrouvée isolée chez elle avec une douzaine de personnes. « Le matin du 16 mai, après un mois de tortures, ils furent tous tués, à l’exception d’une nièce qui réussit à s’enfuir grâce à un voisin, a raconté Paul Kagame. Il est apparu plus tard qu’un Rwandais travaillant au PNUD avait livré ses collègues tutsi aux tueurs. »

« Disparu après le génocide »

« Lorsque je suis arrivé au Rwanda en mai 1994, j’ai rapidement entendu parler de cet homme, se souvient le Britannique Charles Petrie, ancien fonctionnaire aux Nations unies et coordinateur adjoint de l’organisation au printemps 1994. Florence Ngirumpatse, cheffe du personnel, était très appréciée. Un de mes meilleurs amis et collègues, Gromo Alex [directeur du département des urgences au PNUD], m’a expliqué que bien avant le génocide, elle se méfiait déjà de Callixte Mbarushimana qu’elle soupçonnait d’être lié aux miliciens Interahamwe. Elle avait prévenu sa hiérarchie. Au début du génocide, Callixte Mbarushimana insista pour connaître son adresse. La veille de l’opération qui devait être lancée dans le secret total afin de la sauver, elle fut assassinée. Un témoin a raconté qu’il avait vu Callixte dans un bar, en train de fêter la mort de Florence et de sa famille. »

Dans son livre The Triumph of Evil : Genocide in Rwanda and the Fight for Justice (Unbound, 2021), récemment traduit en français (La Banalisation du mal et la quête d’une justice, Editions du Panthéon, 312 pages, 23,90 euros), Charles Petrie montre les défaillances de l’ONU au Rwanda et le rôle trouble joué par Callixte Mbarushimana. L’ancien informaticien du PNUD aurait « disparu après le génocide avant de réapparaître au Kenya, en Angola et au Kosovo, toujours au sein de l’organisation onusienne », fait savoir Charles Petrie. En 2001, après un mandat d’arrêt international délivré par le Rwanda, il est arrêté au Kosovo. Mais la peine de mort étant toujours en vigueur à Kigali, il n’est pas extradé.

Le TPIR, qui juge les principaux responsables du génocide, s’intéresse à son cas en 2002. Faute d’éléments probants, il n’est pas poursuivi. L’informaticien se réfugie alors en France où il obtient en 2003 le statut de réfugié politique. En février 2008, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda porte plainte, une enquête est ouverte.

Ses ennuis judiciaires s’aggravent à la fin des années 2000. Trois ans après avoir rejoint les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), Callixte Mbarushimana devient en 2007 secrétaire exécutif de ce mouvement composé d’anciens génocidaires basé en République démocratique du Congo. Alors qu’il travaille en région parisienne dans une société de maintenance informatique, on lui reproche notamment d’écrire les communiqués de presse des FDLR. Il est arrêté en 2010 à la suite d’un mandat émis cette fois par la CPI.

Selon l’accusation, il aurait joué un « rôle décisif » dans la planification d’attaques commises par le groupe armé contre des populations civiles dans le Sud et le Nord-Kivu. Mais un an après son extradition vers La Haye, la chambre préliminaire de la CPI rejette les charges retenues contre lui. Callixte Mbarushimana rentre alors à Paris. Dès son arrivée à l’aéroport le 23 décembre 2011, il est placé sous contrôle judiciaire dans le cadre de la plainte déposée par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda. L’instruction de l’ancien informaticien du PNUD, dont l’avocate n’a pu être jointe par Le Monde, est terminée depuis 2023. Les réquisitions du parquet sont attendues dans les prochains mois.

Avec Le Monde

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