RDC : cette analyse soutenue de l'économiste Junior Manyota sur le taux de change [Exclusif]

Junior Manyota Asumani expose sur l'économie du Maniema au forum pour l'Unité, la cohésion et le développement du Maniema/photo droits tiers


La situation du marché des changes continue à défrayer la chronique en République démocratique du Congo (RDC). Le sujet fait débat sur les rues des différentes villes du pays. Agents de l'administration publique ou privée, tout le monde en parle. Car étant négativement affecté par cette situation. Même avec la spectaculaire baisse du taux de change du dollar américain observée ces jours sur le marché, la situation alimente toujours les débats.

Dans un entretien accordé à Election-net-com ce jeudi 03 août 2023, l'économiste et chef de Travaux à la faculté d'Économie de l'Université de Kindu, Junior Manyota Asumani a analysé ladite situation en trois points.

"Au sujet de la santé du franc congolais, j'aimerais juste dire, en français "facile", deux ou trois choses : 

1. Dans le jargon, Une "baisse spectaculaire" ne signifie nullement la diminution ou la baisse (absolue) des prix mais plutôt une baisse dans la durée. Ce qui s'observe là est le résultat de l'intervention de la Banque centrale qui a racheté massivement le Franc congolais en injectant autant des dollars. Seulement, elle ne saura pas perdurer ce soutien à la monnaie domestique, car le prix est insoutenable : ça sera l'épuisement (SPECTACULAIRE) de ses réserves de change. Si elle y tient, ça serait de la myopie dont la conséquence est évidente : la RDC ne saura pas (plus) importer....Faillite ....", a-t-il expliqué dans la première dimension de son analyse, avant de poursuivre :

"2. L'économie a tout simplement besoin d'un taux de change stable car cela assure la prévisibilité, sans laquelle il n'y a aucune confiance. Et sans confiance ( c'est-à-dire avec la méfiance), tout le monde perd : le consommateur, l'opérateur économique et l'État lui-même".

À lui d'ajouter :

"3. Comme toute instabilité, une baisse (durable) du taux de change est autant nuisible qu'une hausse. D'abord, elle est d'autant durable que, à ce prix là, sauf, par magie, vous ne trouverez pas (acheter ) le dollars. Car personne, de rationnel, ne vendra son capital (les dollars) pour investir dans un autre capital (en franc congolais) dont l'épuisement est plus que certain".

"Ensuite, les prix de tous les autres biens ne vont pas baisser pour suivre le nouveau niveau (factice) du taux de change : cela signifie tout simplement que le prix de biens à, en réalité, augmenter pour ceux qui ne détiennent que le dollar . Car pour acheter, ils vont vendre, leur dollar à un faible prix en vue d'acheter un bien à un prix (inchangé en dollar) qui était initialement fixé à un niveaux plus élevé du taux de change. BAISSE) de prix de biens à la baisse est RATIONNELLE, parce qu'elle assure aux opérateurs la reconstitution de leurs stocks au niveau (minimal) de leur acquisition. Sinon, leur bilan leur sera dégradé, parce que déficitaire (l'équilibre sera rompu : le passif plus important que l'actif). Enfin, l'État encaissera ses droits (impôt et autres paiements) à un prix faible (nouveau taux de change) alors qu'elle devra faire face à ses (engagements) dépenses en francs congolais, qui à la limite ne baisseront pas), la conséquence , vous la devinez : il sera en déficits récurrents. La voie la plus facile de se couvrir de cette impasse budgétaire sera de le monétiser (émission ou création ex nihilo) des francs congolais dont les gros bénéficiaires chercheront à racheter les dollars,...et Très vite : la boucle sera bouclée".

Pour lui, "ce cercle vicieux ne pourrait être cassé que si l'économie générait substantiellement (davantage) des appareils au-delà de ce qui est demandé sur le marché. Malheureusement, ça ne reste qu'un MIRAGE".

Junior Manyota Asumani fait cependant observer que "le bon  (actuel) du niveau de réserves de change résulte du soutien du FMI à la balance des paiements". Pourtant, poursuit-il, "une coordination cohérente entre la politique budgétaire (restrictive) et la politique monétaire pourrait, relativement à court terme, assurer une certaine accalmie. Mais, la BCC (Ndlr, Banque centrale du Congo) n'a pas assez de moyens (dispositifs techniques efficaces) pour y faire face étant donné le caractère factice de ses principaux "instruments". Et la pression pour le paiement de l'État (souveraineté par le seigneuriage) ne permettra nullement au gouvernement de tenir une politique budgétaire " orthodoxe".

Quand à l'affirmation de l'Inspection générale des finances (IGF), selon laquelle la paie imminente des fonctionnaires n'aura pas d'effet sur le taux de change, étant donné qu'ils ne sont pas demandeurs de devises sur le marché. Mais aussi sur la bonne santé des finances publiques, Junior Manyota Asumani a réagi en ces termes :

"À mon avis, les déclarations de l'IGF sont à relativiser car, affirmer absolument que les fonctionnaires ne sont pas demandeurs de devises, c'est un peu exagéré. Il faut savoir que les fonctionnaires ont souvent besoin de devises pour plusieurs raisons notamment le paiement de dépenses libellées en dollars (certains sont locataires par exemple et paient en dollars), mais aussi pour constituer de petites économies".

À lui de chuter : "En résumé, les fonctionnaires sont aussi demandeurs de devises au même titre que les autres demandeurs de devises".

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