Huit jours après avoir été renversé par une fulgurante offensive menée par une coalition rebelle, l'ex-président syrien Bachar al-Assad a estimé lundi que la Syrie était désormais "aux mains des terroristes". De leur côté, les nouvelles autorités s'emploient à rassurer la communauté internationale et établissent de premiers contacts avec des chancelleries occidentales.
Plus d'une semaine après avoir été renversé, l'ex-président syrien Bachar al-Assad est sorti lundi 16 décembre de son silence, affirmant qu'il n'avait fui la Syrie qu'après la chute de Damas aux mains d'une coalition rebelle et qualifiant les nouveaux dirigeants du pays de "terroristes".
Le 8 décembre, une alliance insurgée menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTC, également appelé HTS selon son acronyme en anglais) est entrée à Damas et a annoncé le renversement du pouvoir, après une offensive fulgurante lui ayant permis de s'emparer d'une grande partie du pays en onze jours. Lâché par ses alliés iranien et russe, Bachar al-Assad a fui à Moscou.
"Mon départ de Syrie n'était pas planifié et n'a pas non plus eu lieu durant les dernières heures de la bataille, contrairement à certaines allégations", a déclaré Bachar al-Assad dans un communiqué en anglais sur la chaîne Telegram de la présidence.
"Moscou a exigé (...) une évacuation immédiate vers la Russie le dimanche 8 décembre au soir", a ajouté le président déchu, qui a dirigé d'une main de fer la Syrie pendant 24 ans, affirmant que son pays était désormais "aux mains des terroristes".
Le groupe HTC, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
Prises de contact
Après 50 ans de règne sans partage du clan Assad et d'une répression implacable contre tout opposant ou présumé tel, les nouvelles autorités s'emploient à rassurer la communauté internationale tandis que les chancelleries prennent peu à peu contact de leur côté avec leurs dirigeants, dont Abou Mohammed al-Joulani, le chef du groupe HTC.
Lundi, l'Union européenne a annoncé envoyer un haut représentant à Damas pour rencontrer les nouveaux dirigeants. L'UE jugera sur les actes "allant dans la bonne direction", a déclaré la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas.
La veille, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a rencontré Abou Mohammed al-Joulani, à qui il a souligné la nécessité d'une transition "crédible et inclusive", selon ses services.
Le Royaume-Uni et les États-Unis ont également indiqué avoir établi des contacts avec le groupe HTC et la France a annoncé qu'elle enverrait une mission diplomatique mardi à Damas, la première depuis 12 ans.
La Turquie voisine, actrice majeure dans le conflit en Syrie et soutien des nouvelles autorités, a rouvert samedi son ambassade à Damas, se disant "prête" à fournir de l'aide militaire si le nouveau gouvernement syrien le lui demandait.
Plusieurs pays et organisations avaient salué la chute de Bachar al-Assad, disant cependant attendre de juger sur pièces le traitement par les nouvelles autorités, musulmanes sunnites, des minorités de ce pays multiethnique et multiconfessionnel.
Le nouveau Premier ministre chargé de la transition jusqu'au 1er mars, Mohammad al-Bachir, a promis de "garantir les droits de tous", alors que les Syriens tentent de reprendre une vie normale. Dans ce contexte, la livre syrienne a repris des couleurs face au dollar.
Frappes israéliennes
Lire Aussi:Dans un complexe militaire près de Damas, des habitants, dont des enfants, ont mis le feu à des maisons d'officiers de l'ancien gouvernement, ont constaté des journalistes de l'AFP. Tables, armoires et chaises ont été pillées auparavant.
À Lattaquié, deuxième port de Syrie sur la Méditerranée, des centaines d'hommes et quelques femmes membres des anciennes forces gouvernementales faisaient pour leur part la file à l'extérieur de bureaux où les nouvelles autorités leur ont demandé de rendre les armes et s'enregistrer.
"Nous en attendons au moins mille aujourd'hui", a dit à l'AFP le responsable des lieux, Mohamad Mustapha, 26 ans, ex-soldat originaire d'Idleb (Nord-Ouest), bastion rebelle. Les nouvelles autorités procéderont à des enquêtes "sur leur passé" et "en cas de crime grave, ils seront transférés à la justice", explique-t-il.
Près de 14 ans de guerre civile déclenchée par la répression des manifestations prodémocratie ont laissé un lourd bilan en Syrie, d'un demi-million de morts et de six millions d'habitants ayant fui à l'étranger.
Dans ce contexte de bascule historique d'un pays dévasté et morcelé, le voisin israélien a mené d'intenses frappes dans la nuit de dimanche à lundi sur des sites militaires dans la région côtière de Tartous, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Selon l'ONG, il s'agit des "plus lourdes" frappes israéliennes "depuis 2012" dans cette région, qui abrite une base navale russe, alors que l'armée israélienne affirme vouloir empêcher l'armement syrien de tomber aux mains d'extrémistes.
Sur les hauteurs de Tartous, les routes sont jonchées de débris de verre. "Le village n'a pas fermé l'œil de la nuit. Les enfants pleuraient", témoigne un habitant qui refuse de donner son nom.
Avec AFP et France 24
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