La République Démocratique du Congo (RDC) adopte-t-elle une diplomatie à géométrie variable face aux crises sécuritaires ? C’est la question que soulève l’absence de réaction officielle de Kinshasa après l’annonce, le 7 mars 2025, de la création d’un mouvement rebelle par Thomas Lubanga à Kampala et son ralliement à l’AFC/M23-RDF. Une situation qui contraste avec la fermeté affichée contre le Kenya lorsque Corneille Nangaa avait annoncé, en décembre 2023, la naissance de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) à Nairobi.
Si Kinshasa a convoqué l’ambassadeur kényan en signe de protestation, elle reste pourtant silencieuse face à l’Ouganda, qui accueille aujourd’hui un ancien chef de guerre congolais condamné par la Cour pénale internationale. Cette attitude interroge, d’autant plus que l’Ouganda est régulièrement pointé du doigt pour son rôle dans la déstabilisation de l’Est de la RDC.
Une coopération militaire qui dicte la prudence ?
Contrairement au Kenya, avec qui les relations diplomatiques sont fluctuantes, l’Ouganda est un allié stratégique de Kinshasa dans la lutte contre les ADF, un groupe terroriste sévissant en Ituri et au Nord-Kivu. Depuis novembre 2021, les deux pays mènent une coopération militaire à travers l’opération conjointe Shujaa, visant à neutraliser les ADF, responsables de nombreuses attaques contre les civils.
Cette collaboration militaire pourrait expliquer pourquoi le gouvernement congolais évite toute confrontation avec Kampala. Kinshasa se retrouve ainsi dans une position délicate : dénoncer l’implication de l’Ouganda dans la rébellion de Lubanga pourrait compromettre cette alliance militaire et affaiblir la lutte contre les ADF, un enjeu sécuritaire majeur pour la RDC.
Une diplomatie sélective ?
Si la coopération militaire justifie en partie cette réserve, elle ne suffit pas à dissiper les critiques. L’absence de réaction de Kinshasa face à l’initiative de Lubanga donne l’impression d’une diplomatie sélective où certains États sont tenus responsables de l’instabilité congolaise, tandis que d’autres bénéficient d’une forme d’indulgence.
Cette posture affaiblit la crédibilité du gouvernement congolais sur la scène internationale et pourrait encourager d’autres acteurs régionaux à soutenir discrètement des groupes armés sans craindre de représailles diplomatiques. Elle risque également de nourrir un sentiment d’injustice au sein de la population congolaise, qui attend une réaction ferme et cohérente face à toute menace contre l’intégrité territoriale du pays.
" Si la RDC veut donc réellement restaurer son autorité et mettre fin à l’insécurité dans l’Est, elle devra clarifier sa position vis-à-vis de ses partenaires régionaux ", laisse croire un acteur de la société civile. La coopération avec l’Ouganda contre les ADF ne doit pas empêcher une réponse diplomatique cohérente face à toute forme d’ingérence, y compris lorsque des groupes rebelles trouvent refuge à Kampala.
L’avenir de la diplomatie congolaise dépendra de sa capacité à concilier pragmatisme et fermeté. Car à force de choisir ses batailles en fonction des intérêts du moment, Kinshasa risque de perdre la guerre de la crédibilité.
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