Quand l'État congolais cesse de parler de "terroristes" pour désigner le M23

Ph. Illustration


Avec la publication officielle de la déclaration conjointe entre la République démocratique du Congo (RDC) et le mouvement armé M23, réuni sous la bannière de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une transformation sémantique subtile mais profonde semble se dessiner : l’abandon progressif du qualificatif “terroriste” pour désigner ce groupe rebelle.

En effet, dans ce document signé le 23 avril à Goma, nulle mention du mot “terrorisme”, “insurrection”, ni de “groupes armés négatifs”. Au contraire, il est question de “représentants”, de “compréhension mutuelle”, de “dialogue constructif” et d’engagements partagés. Le ton est celui de la réconciliation diplomatique, non de l’accusation belliqueuse.

Le terme “terroriste”, longtemps utilisé par les autorités congolaises pour qualifier les actes du M23, notamment les attaques contre des populations civiles et les collusions supposées avec des puissances étrangères, semble désormais écarté du vocabulaire officiel. Le langage diplomatique a remplacé la rhétorique sécuritaire.

Ce changement marque un tournant stratégique : du rejet pur et simple à la reconnaissance de facto d’un interlocuteur politique. Cela ne signifie pas une légitimation morale ou juridique du passé du M23, mais plutôt une volonté de traiter le conflit dans une logique de paix négociée, et non de guerre à outrance.
Conséquence : des mots rangés au placard

Il est donc légitime de se demander si l’époque des “groupes terroristes soutenus par le Rwanda” est désormais révolue, du moins dans le discours officiel congolais.

Le silence de la déclaration sur les responsabilités passées, les crimes documentés ou les souffrances des populations déplacées pourrait inquiéter certains. Mais il illustre une priorité politique : faire taire les armes avant de juger les actes.

Un langage qui engage l’État


Ce changement de ton engage désormais l'État congolais sur une voie : celle du dialogue structuré, des engagements réciproques, et potentiellement, d’une intégration politique ou militaire d’anciens ennemis. Dès lors, le lexique de guerre devient contre-productif. Qualifier de "terroristes" ceux avec qui l'on signe un accord reviendrait à miner l’accord lui-même.

Oui, les qualificatifs “supplétifs” ou “terroristes” semblent être renvoyés au calendrier grec, c’est-à-dire mis de côté pour une durée indéterminée, peut-être définitivement. Ce n’est pas l’effacement de la mémoire, mais une suspension stratégique de la rhétorique pour ouvrir la voie à la paix.

Mais la vraie question demeure : la paix négociée peut-elle survivre au silence sur les responsabilités passées ?

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