Gabon : ces profondes réformes politiques proposées au dialogue national

Photos d'illustration


 Le dialogue national touche à sa fin au Gabon. Ces grandes assises, organisées par les autorités après le coup d'État du 30 août, avaient pour but de proposer une série de réformes en profondeur, sur les plans politiques, économiques et sociaux. Après quasiment un mois de travaux, de profondes réformes, notamment politiques, ont été proposées.

C'est au son des danses et chants traditionnels que le Gabon nouveau a été dévoilé. Après une prière, le président du dialogue, monseigneur Iba Ba, a rappelé les enjeux de ces assises. Le rapport de la commission politique était particulièrement attendu. Les débats qui l'ont entouré étaient d'ailleurs ardus comme l'a reconnu son président Noël Bertrand Boundzanga : « nous avons parcouru un chemin long et ardu, nous avons abordé des sujets d'une importance capitale pour notre nation. Nous avons pu poser les jalons d'un avenir meilleur. »

Le rapport de la commission politique était particulièrement attendu. Les débats qui l'ont entouré étaient d'ailleurs ardus comme l'a reconnu son président Noël Bertrand Boundzanga. Entre autres mesures politiques, les plus de 650 participants réunis ce samedi 27 avril 2024 à Libreville ont demandé que le régime présidentiel soit consacré dans la Constitution du Gabon. Un texte fondamental plus difficile à réformer avec des garde-fous pour éviter les tripatouillages.

Au final, le rapport a été adopté par acclamation.

Suspension des partis politiques demandée

Dans le détail, c'est d'abord un grand chambardement annoncé parmi les partis politiques avec la suspension de toutes les formations, jusqu'à la mise en place de nouvelles règles, plus strictes, pour pouvoir créer un mouvement. L'ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), est particulièrement visé puisqu'il est demandé de rendre inéligibles tous ses cadres pendant trois ans. À ce moment de la séance, l'applaudimètre s'est envolé.

La durée de la transition est quant à elle se déroulant à deux ans, avec douze mois de plus en cas de force majeure.

Des recommandations fortes concernent également la souveraineté et l'immigration avec la mise en place d'une politique stricte privilégiant la protection des intérêts des Gabonais. Les hautes fonctions administratives seraient aussi réservées aux nationaux, alors qu'il est aussi demandé une révision des conditions d'acquisition de la citoyenneté. Enfin, les panélistes ont souhaité un audit de tous les accords de coopération.

L'université Flavien Enongoué était dans la sous-commission consacrée aux questions de souveraineté. Pour lui, ce travail collectif était essentiel : « C'est un moment de refondation qui doit donner lieu à une réflexion sur notre place dans le concert des nations. Il y a des pans entiers de notre souveraineté, notamment les questions monétaires, de défense et de sécurité qui ont été abondamment traitées. Ce sont des questions qui traversent la société gabonaise. Maintenant, les problèmes techniques, il faut les laisser à ceux qui en ont l'expertise. »

Une volonté d'en finir avec la dépendance au pétrole

D'autres recommandations ont émergé sur les questions économiques et sociales. Les participants veulent sortir le Gabon de sa dépendance du pétrole. Ils demandent une nouvelle politique industrielle, privilégier les mines, le bois, valoriser les productions locales et que le pays produise lui-même son alimentation.

La priorité sera donnée aux acteurs nationaux, avec la promotion des PME-PMI gabonaises dans les marchés publics, la nationalisation de la sous-traitance, etc. Côté social, une politique volontariste de la formation professionnelle, autonomisation du budget des universités, hausse de celui de la santé fait également partie des principales mesures.

« C'était un compte-rendu partiel. J'ai choisi avec mon équipe les mesures qui me ont montré les plus nécessaires », explique Noël Boundzanga. Comme les autres, le président de la Commission politique n'avait que dix minutes pour présenter son rapport au public. De quoi frustrer certains commissaires. « On s'attendait à une présentation complète. C'était trop succin. Comme si on avait peur. Il faut expliquer aux Gabonais pourquoi telle recommandation est faite », confie un participant.

Des questions en suspens

Parmi les mesures importantes pas encore publiées, il y a le mandat présidentiel de sept ans renouvelable une fois. Il s'établit à cinq ans pour les autres élus, renouvelable à vie cette fois. Un choix pour ne pas alourdir la charge des caisses de retraite.

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  • Sur l'élection présidentielle, les commissaires se basent sur la charte de transition. Le chef de l'État Brice Clothaire Oligui Nguema pourra bien être candidat. Mais ceux qui ont pris des postes à responsabilité dans la transition n'auront pas le droit de participer. 

    Certaines questions n'ont jamais pu être tranchées pendant les semaines de dialogue. Notamment celles autour de la Cour constitutionnelle, vue comme un instrument de l'ancien régime. Les discussions ont été très animées autour du profil des juges. Certains voulant mettre en avant les magistrats, d'autres préférant un panel entre professeurs de droit, anciens ministres et parlementaires. « Nous proposons que ce débat soit tranché par la future assemblée constituante », explique Noël Boundzanga.

    Il s'agit pour l'instant de recommandations. Le rapport final sera remis mardi au chef de l'État, Brice Clothaire Oligui Nguema. Charge aux autorités de les mettre en application.

    Des réactions contrastées

    Deux recommandations faites par la commission politique font couler beaucoup d'encre et de salive. Il s'agit de l'instauration d'un régime présidentiel et la suspension de tous les partis politiques en attendant la mise en place des conditions plus rigides de création d'un parti.

    Le docteur Franck Bernard Mve a participé au dialogue. Il approuve la proposition d'instaurer un régime présidentiel au Gabon : « Au moins, le président sera sanctionné lui-même. Il ne pourra plus accuser le Premier ministre de n'avoir pas mis en place sa politique », a-t-il réagi au micro de notre correspondant Yves-Laurent Goma.

    Dans les couloirs, de nombreux participants craignent que le régime présidentiel n'instaure une dictature dans le pays. Béatrice Mawanga, diplômée de l'ENA qui représentait les femmes handicapées, n'y croit pas : « le régime présidentiel est le meilleur. Les pouvoirs seront strictement séparés. »

    Joachim Mbatsi Pambou, président du Forum pour la défense de la République, se dit « estomaqué » par la proposition de suspension des partis politiques. « C'est une proposition unique, il n'est pas normal que l'on puisse soutenir les partis politiques. Je ne vois pas les autorités de la CTRI la traduire en acte sinon ce serait une régression de l'expression démocratique. » 

    Pour Marc Ona, figure de la société civile et troisième vice-président du Sénat, « les commissaires ont souhaité que le côté politique gabonais soit remis à plat. La proposition qui a été faite de maintenir et les partis politiques et le PDG, je pense que c'est pour faire en quelque sorte que le côté politique ne pèse pas sur l'économie. Et c'est ce que nous avons vécu. Et que le côté politique soit un élément, pas au-dessus de toutes les autres composantes de la république. »

    Quant au ministre gabonais de la Justice, Paul-Marie Gondjout, il juge le résultat de ce mois de discussions « très satisfaisant » : « je pense que les Gabonais sont plus ou moins satisfaits de ce que nous voyons dans cette salle et des décisions fortes ont été prises sur le politique et l'économique. Maintenant, il va falloir passer par l'arbitrage du chef de l'État et ensuite la Constituante, et mettre en acte tout ce qui a été défini au cours de ce dialogue. » 

    Avec RFI

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