La France se prépare à entrer en guerre. La menace russe devient de plus en plus tangible, et le scénario d’une agression se précise. Or, la solidarité militaire américaine prévue par le traité Otan n’est plus garantie. Tous les pays se réarment le plus vite possible. Le rôle de l’ONU comme instance de résolution pacifique des conflits et d’application du droit international est mis entre parenthèses.
Ce 14 juillet, derrière l’ambiance fête nationale en France, on a aussi entendu d’insistants bruits de bottes. Le traditionnel défilé militaire sur les Champs-Elysées a pris un tour réellement martial. Cette année, l’armée de terre a défilé en brigade bonne guerre. Ce n’était pas qu’une parade, le défilé était conçu comme une vraie opération militaire, avec des troupes prêtes au combat.
C’est aussi un message envoyé au monde et à ceux qui voudraient s’en prendre à l’Europe et à la France. Le président français l’a expliqué dans son discours : jamais la liberté de la France n’a été si menacée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au même moment, la France publiait une mise à jour de sa Revue Nationale Stratégique, le document fondamental de la politique de défense et de sécurité française. On peut y lire que la France se prépare désormais à une guerre majeure en Europe dans un avenir proche, d’ici cinq ans à peine.
La menace russe s’organise
Le pays agresseur n’est pas directement cité, mais il apparaît clairement à travers les plus de 100 pages d’analyses : c’est la Russie.
Quatre évolutions majeures sont relevées dans le dérèglement actuel du monde. Et la première, c’est la permanence de la menace russe aux frontières de l’Europe. Selon Emmanuel Macron, c’est une menace durable, qui s’organise et se prépare. Nous devrons donc être capables d’y faire face, dit-il.
La deuxième évolution, c’est la désinhibition du recours à la force. Sur tous les continents, les attaques, les conflits armés se déclenchent plus vite. Il y a aussi la révolution technologique, la guerre électronique, l’intelligence artificielle, les drones qui peuvent être mis au service d’une agression.
Au vu de ces menaces, Paris considère que les Européens ne peuvent plus reposer sur leurs propres forces, parce que la solidarité des alliances n’est plus assurée.
La confiance au sein de l’OTAN affaiblie
Le président américain a répété à plusieurs reprises qu’en cas d’agression, la solidarité militaire des États-Unis avec l’Europe ne serait pas automatique. Donald Trump a sapé la confiance entre alliés de l’OTAN. Sa posture est transactionnelle, imprévisible et protectionniste sur le plan commercial. Son administration revendique des divergences de vues et de valeurs avec les Européens. Ce lent divorce aboutit à un découplage stratégique.
Les États-Unis pratiquent désormais l’unilatéralisme qui s’exprime dans le slogan America first : seuls les intérêts américains immédiats sont pris en compte dans leur action internationale. Ce n’est pas de l’isolationnisme, puisqu’il n’y a pas de retrait de l’engagement américain des affaires du monde. La priorité est donnée à la protection de leur territoire, au traitement de la rivalité avec la Chine et au renforcement de leur domination économique, en utilisant le chantage ou la menace, dans un rapport de force qui leur est favorable.
Le glas du multilatéralisme
Cette posture sonne le glas du multilatéralisme et du système des Nations unies comme lieu de négociation et de résolution des conflits. Washington est passé de l’exercice de sa puissance à travers les institutions internationales à une approche unilatérale et coercitive. Les États-Unis étaient pourtant un pilier de l’ONU depuis 1945, et son principal contributeur financier.
Il faut relire le préambule de la Charte des Nations unies pour mesurer à quel point le monde s’en est éloigné aujourd’hui. Il commence par ces mots : "Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre". Les peuples disent dans ce texte leur attachement aux Droits de l’Homme, à la dignité de la personne, à l’égalité de droits des hommes et des femmes. Et aussi l’égalité entre les nations, grandes et petites.
Un ordre international "obsolète"
Lire Aussi:Ces valeurs et les institutions qui les défendent sont désormais remises en cause. Le chef de la diplomatie américaine a décrété en prenant son mandat que l’ordre international était "obsolète". Marco Rubio considère même ces principes comme "une arme utilisée contre" les États-Unis.
Cette vision s’est traduite concrètement. Washington impose des sanctions contre ceux qui collaborent avec la Cour pénale internationale de La Haye, en particulier dans les enquêtes contre des ressortissants américains ou israéliens. C’est une mesure d’intimidation contre l’enquête sur les accusations de génocide à Gaza. Récemment, c’est la rapporteure pour la Palestine, Francesca Albanese, qui en a fait les frais.
La Russie a également adopté des mesures contre des magistrats internationaux, ceux qui ont incriminé Vladimir Poutine et d’autres responsables russes dans des crimes commis en Ukraine.
Le retour de la loi du plus fort
Ces attaques minent progressivement le système international bâti depuis 80 ans. Elles démontrent la volonté de ces grandes puissances d’empêcher l’application du droit international, du moins quand elle gêne les intérêts des grandes puissances. On ne liquide pas le système d’un coup, mais on cherche à éliminer tout ce qui peut entraver des choix politiques ou militaires nationaux.
Sans le droit international, sans les institutions multilatérales, nous assistons à un retour de la loi du plus fort dans les relations entre les Nations. Le président français a pris acte hier de cette brutalisation du monde. En accélérant encore l’augmentation des dépenses militaires, il veut que son pays soit puissant et inspire la crainte aux autres grands fauves. Ce serait la condition de la survie dans la nouvelle jungle qu’est devenu le monde.
Avec la rtbf.be
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