La justice congolaise a invalidé la candidature de deux anciens chefs de guerre candidats aux élections législatives dans la province de l'Ituri, Thomas Lubanga et Yves Kahwa Panga ont été déclarés inéligibles par la Cour constitutionnelle. En cause : leur condamnation par la Cour pénale internationale et la justice militaire congolaise pour crimes de guerre.
Il y a peu, l'inscription de ces anciens criminels de guerre sur la liste des candidats pour les législatives en République Démocratique du Congo a suscité divers réactions dans la province de l'Ituri.
Dans la province de l'Ituri, sur la liste de la commission électorale nationale indépendante, publiée le 11 août dernier, on pouvait voir les noms des anciens chefs de guerre, notamment Thomas Lubanga, Floribert Ndjabu, Pitchou Iribi et Yves Khawa Panga. Ces quatre hommes ont tous été condamnés à des peines de prison de plus de dix ans, dont deux d'entre eux pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, perpétrés lors des violences intercommunautaires qui se sont déroulées entre 2000 à 2003. Malgré tout, la candidature de ces anciens criminels de guerre semble satisfaire une partie de la population. Mais beaucoup dans la région ont aussi peur de les critiquer.
Des anciens chefs de guerre
Thomas Lubanga dont sa candidature a été invalidé, a été condamné par la Cour pénale internationale à une peine de 14 ans d'emprisonnement pour crimes de guerre consistant en l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de 15 ans. Il a été libéré en 2020 après avoir purgé sa peine en RDC.
Floribert Ndjabu et Pitshou Iribi ont passé près de 15 ans en prison pour l'assassinat de neuf Casques bleus en Ituri en 2005. Mais ils n'ont jamais été jugés.
Enfin, Yves Kahwa Panga a été condamné, en 2006, par la Cour militaire de Kisangani, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il a purgé une peine de dix ans à la prison de Makala, à Kinshasa.
En dépit de leur passé criminel, la majorité des personnes interrogées se sont déclarées satisfaites de leurs candidatures aux prochaines élections législatives, et ce avant que ces candidatures ne soient rejetées et/ou invalidées par la cour constitutionnelle.
Cette attitude de la population a témoigné du prestige dont bénéficient encore ces anciens chefs de guerre au sein de leurs communautés, les Hema et les Lendu, a souligné à VOAAFRIQUE, le professeur Jean Tsumbu, doyen du domaine des sciences de l'homme et de la société à l'université de Bunia.
"Ces candidats, qui furent jadis des chefs de file de certains groupes armés, ont quand-même une assise dans leurs différentes communautés, chacune sera représentée à travers ces chefs de file qui dirigeaient des groupes armés à connotation tribale, dans un contexte de non-Etat. Mais 21 ans après, ils reviennent comme des candidats" précise-t-il.
De chefs de guerre à "homme de paix"
Certains habitants de la région, plus critiques, n'osent toutefois pas parler par peur de représailles dans une région encore marquée par les récentes violences entre les Hema et les Lendu.
Pitchou Iribi, l'un de ces anciens chefs de guerre et candidat dans la circonscription électorale d'Irumu, se présente désormais comme un homme de paix.
" Pour moi, c'est comme un sacerdoce, je veux me sacrifier à offrir à la population de l'Ituri une possibilité de vivre dans la paix. L'Ituri a connu un passé peu glorieux, personne ne peut se féliciter de ce que nous avons vécu. De près ou de loin, nous avons été des acteurs, donc notre motivation à nous tous, c'est de donner le meilleur de nous-mêmes pour que l'Ituri recouvre la paix" avait-il expliqué.
Néanmoins, ces anciens criminels de guerre, emprisonnés longtemps et loin de l'Ituri, ont pu se couper des réalités de la province. Leur retour se fait dans un contexte différent, où la jeunesse de la région réclame sa place. C'est ce qu'explique le professeur Jean Tsumbu: "Cela dépend de la capacité et de la dynamique que ces anciens leaders peuvent avoir. Tel que ça se présente aujourd'hui, c'est un univers politique différent de l'époque de la rébellion et il appartiendra à ces leaders de pouvoir se donner une aura. Durant toutes ces années passées, ces anciens seigneurs de guerre ont passé beaucoup de leur temps loin d'ici. Avec cette nouvelle donne politique, ils devront travailler dur".
Lire Aussi:Récemment, ces anciens miliciens ont collaboré avec l’État congolais pour ramener la paix en Ituri. Réunis au sein d'une task force, le président congolais, Félix Tshisekedi, leur avait confié, en 2022, la mission de négocier la paix avec les groupes armés actifs en Ituri.
Mais le processus a été un échec après que certains d'entre eux, dont Thomas Lubanga et Floribert Ndjabu, ont été pris en otage par les rebelles de la Codéco à Djugu.
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