L’histoire retiendra peut-être ce jour comme le moment où la justice congolaise, longtemps accusée de soumission, a tenté de se redresser face à l’un de ses plus virulents contempteurs : Constant Mutamba, ministre de la Justice.
La requête du procureur général près la Cour de cassation adressée à l’Assemblée nationale, sollicitant la levée de ses immunités parlementaires, sonne comme un tournant inédit dans les relations entre le pouvoir judiciaire et le garde des Sceaux.
Tout part d’un incident survenu à Kisangani. Début mai 2025, une vidéo virale montre le ministre de la Justice en visite dans la prison centrale de la ville. On le voit interroger des détenus, dénoncer la lenteur judiciaire, puis ordonner de manière spectaculaire la libération immédiate de plusieurs prisonniers, sans décision judiciaire formelle. Si le geste a été applaudi par une partie de l’opinion publique, il a profondément choqué les milieux juridiques et politiques, qui y ont vu un excès de pouvoir et une ingérence grave dans les affaires judiciaires.
Mais l’affaire prend un tout autre tournant quelques jours plus tard. Le procureur général près la Cour de cassation adresse à l’Assemblée nationale une demande de levée des immunités parlementaires de Constant Mutamba. Motif officiel : faire la lumière sur des soupçons de détournement de fonds publics liés à la construction de la nouvelle prison de Kisangani. L’objectif du parquet est clair : permettre à la justice d’auditionner le ministre dans un cadre formel, pour vérifier l’existence d’éventuelles malversations financières dans ce projet pénitentiaire sensible.
La coïncidence entre les tensions croissantes entre Mutamba et les magistrats, et cette procédure exceptionnelle, alimente la lecture d’un possible règlement de comptes institutionnel. Car depuis sa prise de fonctions, le ministre ne ménage pas les juges : accusations de corruption, suspensions brutales, interventions médiatisées dans les établissements pénitentiaires. Tout dans son style suggère une volonté de choc frontal avec le système judiciaire traditionnel.
Dès lors, difficile de ne pas voir dans l’offensive du parquet une forme de riposte. Une revanche feutrée, légale certes, mais profondément symbolique : le ministre qui accusait la justice d’inefficacité pourrait bien devoir lui rendre des comptes, à son tour.
Mais cette revanche, si elle existe, ne doit pas masquer l’essentiel : la justice doit aller au bout de sa démarche en toute objectivité, loin des querelles de personnes. Si les soupçons de détournement sont fondés, Mutamba devra s’en expliquer. Dans le cas contraire, cette procédure pourrait se retourner contre ses initiateurs.
Powered by Froala Editor
Lire Aussi:
leave a reply